Biographie

Albert György est né en 1949 à Lueta, Roumanie (Transilvanie, région à minorité hongroise).

Le parcours du sculpteur est marqué par une double aventure humaine et artistique, qui s’est toujours ordonnée, en quelque sorte, comme une tension entre des aspirations contraires.

La Roumanie et la Suisse. En Roumanie, la naissance en Transylvanie, l’appartenance à la minorité hongroise souffrant de discrimination. Ce qui ne l’empêche pas de suivre l’enseignement artistique officiel, de remporter de nombreuses distinctions, de faire des expositions nationales et internationales. A la fin de ses études à Bucarest, il a pu revenir s’installer à Satu-Mare, où l’air est un peu plus respirable. Il y crée sa propre fonderie, pour obtenir la meilleures qualité de bronze. Mais, malgré ses voyages à l’étranger pour ses expositions, à Varsovie, à Berlin, en ex-Yougoslavie, au Chili, il vit dans l’isolement, la tristesse. Sa première femme meurt, il n’a plus d’attache avec la Roumanie. Il profite d’une exposition à Genève pour s’installer en Suisse. C’est le second versant de sa vie. Il va enfin pouvoir jouir de la liberté.

C’est un nouveau départ, difficile mais fulgurant. Son métier, il le connaît à fond. Il pratique le bronze mieux que personne. Il a mis au point un alliage personnel de cuivre et d’étain qui permet d’obtenir un bronze à la fois souple et solide, créant d’étonnantes nuances de la patine lorsqu’il est oxydé, et d’une couleur éclatante lorsqu’il est poli.

Son style évolue de manière sensible, car sa vision s’amplifie, se décante, se libère des contraintes. En Roumanie, il pouvait faire figure d’artiste audacieux, mais ses oeuvres reflétaient le poids de la vie, du passé et aussi diverses influences: les plus fructifiantes comme celles de Brancusi et Moore, et puis celles, pesantes, du milieu. En Suisse, après un temps d’adaptation, son art se tourne résolument vers le futur. De la figuration stylisée et de l’orfèvrerie, son langage sculptural s’oriente vers le monumental, vers l’architecture.

L’oeuvre d’Albert György illustre bien la tension entre le caractère et l’émotion. Rien n’est acquis, rien ne vient automatiquement, la création est une lutte, aussi bien matérielle que spirituelle. Si aujourd’hui ses oeuvres reflètent un nouvel élan, elles demeurent marquées par un tempérament pathétique, par une sensibilité ardente. Celle-ci est sans doute plus attentive, aujourd’hui, aux énergies vives de notre époque, captées et réfléchies avec acuité.

Mais le matériau apporte le noble témoignage de l’unité de la démarche de György, fidèle au bronze. [...]

Dans sa complexité et sa diversité, l’art visionnaire d’Albert György témoigne d’une dialectique personnelle entre la souffrance et le bonheur. Rien de décoratif ou de bavard dans ce jeu de tensions créatrices débouchant sur un alliage vivant, empreint de la plus pure nécessité.

P. Hugli